Un été à l'Islette, Géraldine Jeffroy (2023)

Géraldine Jeffroy, dans son roman Un été à l'Islette qui vient de paraître en poche chez Arléa, attire notre regard sur "La valse", cette sculpture que Camille Claudel aurait réalisée durant l'été 1892, au château de l'Islette où elle séjournait.
À peine le regard s'est-il posé sur cette sculpture qu'il est littéralement happé et emporté dans l'intimité des danseurs. Ce qui se dégage de "La valse" va bien au-delà de la sculpture en sa matérialité, elle ouvre à la profondeur de l'être, insondable, qui nous happe, et s'exprime dans l'abandon des corps à leur aspiration la plus vivante, l'impossible union des amants. Outre le frémissement de ce peau à peau des corps, c'est aussi tout le mouvement lent de la valse que le drapé recouvrant les jambes de la valseuse suggère, souligné par l' inclinaison des têtes emportées dans le tournoiement.

Géraldine Jeffroy restitue dans ce roman deux mois de la vie de Camille Claudel, pendant lesquels elle donne à voir tout le travail d'élaboration, de réflexion, de composition nécessaire à la création de cette sculpture, ainsi que de celle, intitulée "La petite châtelaine", qui prend pour modèle la fille de la propriétaire du château, avec laquelle Camille Claudel se lie d'affection, et qu'elle initie au dessin d'observation. Le monde artistique dont Camille Claudel faisait partie est brièvement évoqué, sa relation tumultueuse avec Rodin notamment, auquel avait été confié la réalisation d'une sculpture rendant hommage à Balzac, et son amitié avec Debussy qui travaille cet été-là à la composition du Prélude à l'après-midi d'un faune.
L'art est à l'honneur dans ce court roman qui met l'accent sur ce temps de germination, de tâtonnement, d'hésitation, qui permettra à certaines créations d'accéder au rang de chefs-d'œuvre, dans un cadre harmonieux, le château de l'Islette où se croisent, se côtoient les trois artistes, le temps d'un été.

CR