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Bernard Cerquiglini, La langue anglaise n'existe pas (2024) Empty Bernard Cerquiglini, La langue anglaise n'existe pas (2024)

Sam 23 Mar - 8:27
Bernard Cerquiglini, La langue anglaise n'existe pas (2024) G0859210

Bernard Cerquiglini, "La Langue anglaise n'existe pas" C'est du français mal prononcé, Gallimard, Folio essais, 2024, 196 pages

Bernard Cerquiglini est décidément très fort. Il parvient, avec un titre accrocheur, à attirer à lui le lecteur curieux de la langue, et il maintient son intérêt tout au long de l'ouvrage. Il arrive, sans peine, et grâce à la vivacité et à la facilité de son style, à faire dévorer un livre de linguistique. Technique sans être pesant, historien sans oublier d'être pédagogue, Bernard Cerquiglini raconte l'influence française sur la langue anglaise, et les perpétuels allers-retours de notre idiome du continent à l'île, de l'île au continent.
Le titre, intelligemment choisi, vient d'une formule de Georges Clemenceau. Pleine de mauvaise foi assumée, elle n'est pourtant pas révélatrice d'une revanche sur l'envahisseur linguistique que semble être l'Angleterre. Il n'y a pas de mesquinerie dans cet ouvrage.
Après avoir rappelé que l'Anglais n'est pas la langue germanique (anglo-saxonne) que l'on croit, en avançant que l'origine du vocabulaire anglais est à 29% française, 29% latine (ce qui en fait une langue romane de ce point de vue), à 26% germanique, les 16% révélant des influences de langues diverses. Il explique que le français a influencé l'Angleterre pour des raisons historiques (la domination française de 1066 à 1260, depuis Guillaume le Conquérant, puis une période où le français a été pratiqué comme une langue seconde, de 1260 à 1400), que cette influence a été particulièrement marquée dans des domaines liés au pouvoir royal (vocabulaire nobiliaire, guerrier, ecclésiastique, judiciaire, administratif, commercial, économique) ou au développement de l'art de vivre (nourriture, vêtements), mais aussi à ceux de la science, de la médecine et de l'art. Il donne de nombreux exemples, expliqués sans pédantisme de ces mots issus de la colonisation française en Angleterre : majesty, noble, parliament, peace, war, faith, attorney, evidence, jury, pledgebargain, store, mushroom, porridge, toast, fashion, jewel, towel, story, study...
Si l'influence du français sur la grammaire est moindre, beaucoup de créations de mots par dérivation (suffixale ou préfixale) viennent du français. C'est le cas également de tous les dérivés de body: somebody, everybody, nobody... issus du français, de one et de l'article the, entre autres...
C'est évidemment l'ancien normand qui a la plus grande ascendance sur la langue anglaise du moyen-âge. L'anglais garde d'ailleurs la trace de mots qui ont disparu de l'usage français depuis bien des siècles, ou qui demeurent actifs dans certaines langues régionales (huge, jeopardy, mischief...)
Dans le chapitre intitulé "Comment on a fabriqué la langue anglaise", Bernard Cerquiglini expliqué tous les processus linguistiques (les changements d'accentuation, les aphérèses, les évolutions de la prononciation...) à l'origine des mots nouveaux qui sont apparus d'après le français.
Il explique ensuite, à travers les exemples de budget, caddie, cash, glamour, mail, patch, ranch, scroller..., comment des mots français sont revenus en France sous la forme d'anglicismes. Il donne de nombreux exemples de termes venus d'Angleterre (mais issus de français) qui sont tellement intégrés à notre langue qu'on en a oublié la provenance anglaise (bar, confort, humour, , partenaire...), ou ceux que la français a empruntés dans les domaines de la justice, de la politique, du sport, des transports, de la mode et du commerce.
Il explique enfin, avec beaucoup de clarté, l'importance d'une langue méconnue, et mal étudiée par les linguistes, celle du français insulaire, l'anglo-français, pratiqué en langue seconde dans l'Angleterre à la fin du moyen-âge, accaparant le lexique français comme un matériau pour bâtir la langue anglaise. "Qu'est-ce donc que cet anglo-français si précieux? Rien d'autre que l'idiome qui permet, dans l'Angleterre des XIIIe et XIVe siècles, la réussite économique et sociale, la pensée et la foi, l'archivage et la mémoire, l'administration des hommes et des biens. A l'intérieur, il offre un outil de communication à l'élite d'une nation dont la langue maternelle est fortement dialectalisée ; à l'extérieur, étant donné le prestige européen de la langue française, il amarre l'Angleterre au continent" (p. 173). La dernière période (1260-1400) n'est donc pas une période de colonisation, ni par les hommes, ni pal la langue, mais un laboratoire à néologismes. "Au bilinguisme vertical [celui de la première période] s'est substitué un dialogisme horizontal, le français accompagnant et promouvant la langue maternelle. Une telle histoire est connue : elle s'appelle Francophonie" (p. 178). Dans les années 1300, l'Angleterre a été la première à la pratiquer. S.M.[/i][/i]
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