Alexis Michalik, Passeport (2024)
Mer 31 Jan - 17:55
Alexis Michalik, Passeport, Albin Michel, 2024, 227 pages, 14,90 euros
Sept comédiens pour trente-six rôles, voilà la touche Michalik, qui promet mouvement et dextérité sur scène. Passeport débute par un prologue où les principaux personnages se présentent au public. Parmi eux, Issa, qui cherche en vain dans sa mémoire son prénom et son histoire. Venu d’Erythrée, il a été retrouvé inanimé dans la Jungle de Calais, roué de coups et défiguré. Aidé d’Ali le Syrien, et d’Aarun l’Indien, Issa survit au camp comme cuisinier au Belgian Kitchen, l’un des restaurants du camp. Parallèlement, on découvre un autre personnage, Lucas Berthier, gendarme chargé d’empêcher les migrants de sortir de la Jungle. Né à Mayotte, il a été adopté par Michel et Christine, qui ne lui ont jamais vraiment parlé de ses origines. Après sa séparation avec Jeanne, une journaliste qui le met face à ses contradictions, il devient taciturne, violent, à deux doigts de la bavure. De scène en scène, Michalik tisse les fils du destin de ses deux personnages en quête d’identité pour ne former qu’une trame, qui se réduit à une boîte en fer blanc enterrée près du camp de Calais. Le texte divisé en 79 séquences dynamiques et cinématographiques, sans pathos ni leçon, montre du point de vue des réfugiés les difficultés administratives de l’accueil, mais aussi la force de cette jeunesse qui met en œuvre ses compétences pour bâtir son intégration. Ali était professeur d’anglais à l’université en Syrie, Aarun travaillait dans l’import-export. Tous deux vont épauler Issa, excellent cuisiner, dans le restaurant qu’il monte avec eux. Tour à tour drôle et émouvant, le texte offre des scènes puissantes, parfois violentes, solidaires. En se mettant à la place de ses personnages, Alexis Michalik est parvenu à nous les faire comprendre et à nous les faire aimer. Le dernier quart de Passeport réserve des surprises et rompt avec la simple évocation du sort des migrants et de leur facile exemple de réussite, qui fera dire à certains qu’on ne fait pas de littérature avec des bons sentiments. Le flash qui rend peu à peu la mémoire à Issa est en effet un rebondissement dramatique qui ne fait plus lâcher le livre tant la tension s’accompagne d’une soif de savoir. Faire un conte d’un fait divers, voilà un talent supplémentaire pour Alexis Michalik. SM
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