Danièle Masse et Alexis Vitrebert, L'Espion d'Orient (2024)

Après Le Château de mon père, paru en 2019, relatant l’incroyable histoire de Pierre de Nolhac, attaché de conservation à Versailles, qui va passer trente ans de sa vie à ressusciter la demeure de Louis XIV, Alexis Vitrebert, dans L’Espion d’Orient, met en images la vie de l’explorateur suisse Johann Ludwig Burckhardt parti découvrir la source du Niger, mais dont le voyage, aux mille détours, permettra de mettre à jour les sites de Pétra et le temple d’Abou-Simbel. D’un trait toujours précis et élégant, coloré à l’aquarelle, Alexis Vitrebert, sur un scénario de Danièle Masse, donne à voir un véritable film d’aventures. Ses cadrages originaux, son sens de la mise en scène, et jusqu’au « pré-générique » que constituent les trois premières pages de la bande dessinée, tout concourt à plonger le lecteur dans l’univers fascinant de cet espion d’Orient. En 1806, Burckhardt, qui crève la faim à Londres, trouve son salut grâce à l’Association africaine qui lui confie, après les déroutes de bon nombre d’explorateurs, une mission en Afrique. Pendant des mois, il s’entraîne à la vie ascétique des voyageurs de l’extrême, il apprend l’arabe et les mœurs musulmanes. À Malte, point de départ de son voyage vers l’Orient, il devient Cheikh Ibrahim Ibn Abdallah, pour se fondre plus facilement dans les pays qu’il doit traverser. De caravanes en guides, il parcourt Alep, Palmyre, les montagnes enneigées du Liban, rencontre Lady Hester Stanhope, celle qui inspirera à Pierre Benoit la Châtelaine du Liban qui fête son centenaire en 2024. Au fil de ses découvertes à travers l’Égypte, il collecte des manuscrits orientaux – il en lèguera 800 à la bibliothèque de l’Université de Cambridge –, et envoie ses notes en Angleterre. Bravant les dangers, calmant la méfiance de ses cicerones, il redécouvre Pétra, puis le temple d’Abou-Simbel. Il finit sa vie au Caire, épuisé et victime de dysenterie, après avoir accompli en hadji le pèlerinage à la Mecque et échappé à la peste à Yambo. Son périple et ses découvertes sont rendus, par le merveilleux travail d’Alexis Vitrebert, dans toute leur fascinante beauté. Une totale réussite. SM