Recoudre la nuit, Myriam Frégonèse (2023)

Pour son premier roman, Myriam Frégonèse choisit de traiter d’un sujet qu’elle connait bien, les troubles psychiatriques, qui ont conduit les personnes qui en étaient atteints, à être internées dans l’hôpital situé sur l’île de La Ronde, à Saint-Pourçain, durant la seconde guerre mondiale.
Son expérience de psychologue s’entend dans l’approche qu’elle donne de ses personnages, où les non-dits du passé, les conflits psychiques que ceux-ci ont engendrés, sont autant de jalons qui permettent d’appréhender la maladie psychiatrique comme le résultat d’une histoire, à lire et à déchiffrer.
Nous allons, dans Recoudre la nuit, à la rencontre de Violaine, de Lorette, patientes du docteur Faure qui dirige l’hôpital de l’île de la Ronde. Malgré les conditions défavorables dans lesquelles il exerce, celui-ci sait être attentif aux paroles qui, telles des confidences, se donnent par fragments, livrant des clés à la compréhension de leurs comportements.
En tant que directrice d’un établissement d’accueil pour adolescents, Myriam Frégonèse a été particulièrement sensible à la dégradation des conditions de travail dans les hôpitaux psychiatriques pendant la seconde guerre mondiale, en raison d’un désinvestissement financier des pouvoirs publics. Son roman permet d’éclairer cette partie méconnue de l’histoire. En outre, il dénonce l’absurdité des jugements réprobateurs à l’encontre des aliénés dans un contexte de guerre où la folie meurtrière s’étale au grand jour.
Ce roman écrit par petites touches, en courts chapitres, fait entendre la voix de ceux que l’on n’entend pas, reconstituant leur parcours comme on emboiterait des pièces de puzzle, révélant au final une belle leçon d’humanité à travers l’acceptation des différences.
Laissons le dernier mot au Dr Faure : « Je fais ce métier pour ça voyez-vous, pour la vie, (…) découvrir les mots que [mes patients] inventent pour me parler d’eux, me permettre d’entendre les cris sourds qui retentissent dans leur esprit, leur tenir la main quand tout est froid et noir autour d’eux, leur sourire même s’ils n’ont pas la force de me le rendre, (…) vous remercier de bien vouloir de moi dans votre royaume. »

Cécile Roussilhe