Le Manoir des lettres
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Tu la retrouveras, Jean Hatzfeld (2023) Empty Tu la retrouveras, Jean Hatzfeld (2023)

Ven 11 Aoû - 13:24
Tu la retrouveras, Jean Hatzfeld (2023) 97820718


À l’hiver 1944-1945, deux fillettes se retrouvent privées de leur famille. Réfugiées dans un zoo au cœur de Budapest, la Juive et la Tsigane vivent en harmonie avec les animaux alors qu’au dehors, c’est le chaos : les nazis se battent contre les Russes. Dumitru, un soldat de l’Armée rouge, vétérinaire de formation, vient leur rendre visite régulièrement et leur apporte son aide. Sheindel et Izeta s’attachent au monde animal qui les entoure : elles aident certaines bêtes à retrouver le chemin de la liberté, comme les hippopotames qui rejoignent le Danube. Chaque nuit, elles dorment avec les lamas ; les hyènes sont leurs compagnes, et une femelle orang-outan, Mama, leur présente son petit mal en point. Les fillettes allaitent donc Zéphyr, grâce au lait qu’elles tirent d’une renne femelle, qui reprend des forces et sympathise avec un bébé tigre, Sara. Au cœur de ce zoo à l’abandon, les fillettes se racontent leur histoire :

« Eh’ad. Nem mikh tsurik di lib gehat ones ! — ramène-moi ceux que j’ai aimé ! C’est du yiddish. Je n’ai jamais tant prié…»

Mais il faudra partir un jour et, sur les bords du Danube, sans qu’elles l’aient désiré, leurs routes se séparent. Le récit fait un bond dans le temps, nous projetant cinquante ans plus tard dans une Europe encore en guerre, en Yougoslavie. « On devient ce qu’on a perdu. » Que deviendront Sheindel et Izeta ? Et se retrouveront-elles ?

Les animaux forment le cœur de ce récit. Décrits avec tendresse, présents à chaque instant dans la vie des hommes, ils montrent une malice peu commune ; leur bienveillance contraste avec toutes les folies guerrières. On s’attache à eux tous, si près de la vie humaine, en parallèle : la vieille éléphante, les coyotes, les ratons laveurs vivent les conflits malgré eux et donnent au récit sa part vivante :

« (Ils) observaient la roublardise des chacals dorés, le manège entre deux nids d’une fratrie d’aigles sur un piton rocheux, ou les danses de noces de libellules sur la rivière. »

Les animaux ne sont pas méfiants, ils sont curieux des hommes, comme la laie et ses petits, ou encore ce vieux corbeau :


« L'un d'eux, plus âgé, qui pouvait être le doyen, resta planté à ses pieds, intrigué - il ne le cacha pas. C'était un vieux beau, le duvet des joues coiffé vers l'arrière par la brise. Les années avaient patiné en un gris délicat le bleuté de son plumage, des poils recouvraient la base de son bec, ébréché sur un côté. Il réfléchit un instant, puis tenta de la distraire avec de petits mouvements de menuet. »


Dans ce paradis qu’elles se créent et dont elles deviennent responsables, Sheindel et Izeta se tournent parfois vers la prière, à leur façon, espérant revoir un jour ceux qu’elles aiment. Même si les cadavres dans les rues, les assassinats autour d’elles, les synagogues brûlées les éloignent de l’espoir, elles savent que Dieu existe d’une façon ou d’une autre. La présence animale le confirme :

« Got iz mid fun mentshn, er lib besod animals »
(« Dieu s’est lassé des hommes, il aime les animaux en cachette. »)



Parution le 17 août 2023, Gallimard.
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