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"LE RER est mon suaire, et la littérature un tombeau", Paris bas-ventre suivi de Éloge du coronavirus -  Richard Millet Empty "LE RER est mon suaire, et la littérature un tombeau", Paris bas-ventre suivi de Éloge du coronavirus - Richard Millet

Mar 3 Aoû - 11:05
"LE RER est mon suaire, et la littérature un tombeau", Paris bas-ventre suivi de Éloge du coronavirus -  Richard Millet Parisb10


Les éditions La Nouvelle Librairie publient un nouveau livre de Richard Millet, auteur prolifique dont les livres sont, à chaque sortie, passés sous silence depuis l'affaire dite "affaire Millet". Son Éloge du coronavirus, titre aussi oxymorique que l'Éloge d'Anders Breivik qui suivait l'essai Langue fantôme, vient rappeler ce livre paru en 2012 et qui provoqua la mise au ban (de la littérature, voire de la société) de Richard Millet, parce qu'on s'était souvent contenté de commenter un titre sans lire l'ouvrage...
Les raisons de cette proscription se comprennent en creux à la lecture de Paris, bas-ventre. Le RER comme principe évacuateur du peuple français. En effet, Richard Millet s'enfonce dans le ventre de Paris, pas l'ancien, pas celui qui fait référence au titre du roman d'Émile Zola, pas plus que celui qui renvoie aux Halles de Paris, les pavillons Baltard détruits en 1973 pour laisser place à du rien, à ce "trou des Halles" filmé par Marco Ferreri.
"LE RER est mon suaire, et la littérature un tombeau", Paris bas-ventre suivi de Éloge du coronavirus -  Richard Millet 845px-Halles_de_Paris%2C_1863
Dessin, vue à vol d'oiseau des Halles centrales de Paris en 1863, conçues par Victor Baltard




Cette métaphore des Halles (le passé détruit pour y laisser un trou, l'amnésie générale...) sert les idées développées par Richard Millet dans son livre.  Il s'enfonce donc dans ce ventre qu'est le RER parisien et observe le peuple qui s'y trouve, constatant les ravages du multiculturalisme qui s'applique à supprimer l'idée de nation et cultive les individualités au détriment du groupe — disons le communautarisme sous toutes ses formes :

"Vous aurez des potes partout. Venez à nos "programmes de bien-être", "treks intérieurs", "ateliers d'écriture", stages de "bien vieillir", séminaires de "décolonisation sexuelle", journées "solidaires".... Ne voulez-vous donc pas être moderne?
Moderne?
Encore un mot d'ordre du pouvoir culturel... Préférons-lui l'inactuel, l'intempestif..."


Comment un tel conglomérat en "transit" pourrait-il être digéré par ce ventre qu'est le RER?

"Finissons-en. LE RER est mon suaire, et la littérature un tombeau."


C'est aussi la littérature qui est attaquée et se meurt depuis des années dans l'indifférence générale.
Sans caricaturer sa pensée, on peut dire que le paraître, l'identité priment sur la valeur littéraire. Le produit se vendra mieux selon l'image qu'il expose. Le style ne devient pas secondaire : il disparaît. En se promenant dans un Paris qui perd de plus en plus sa mémoire, Richard Millet voit sur des affiches "une starlette issue d'un atelier d'écriture où la littérature est prétendue accessible, en kit, au premier venu, la romancière marocaine à présent devenue égérie de la postlittérature française par la grâce d'un prix que la république bananière octroie aux domestiques méritants."

Il s'agit bien, depuis quelques décennies et avec l'avènement de la communication à outrance, de postlittérature :

"Ce que nous appelons le style n'a plus de valeur, et, réduit à une narratique politiquement correcte, le roman est une chose insignifiante dès lors que l'"actualité" a remplacé l"Histoire", les "coulisses" le drame, et les "programmes" le réel. Le monde n'est plus qu'un ensemble de redéfinitions "inclusives" contre lesquelles l'écrivain n'est plus grand chose, pas même être maudit."


Richard Millet ne renie pas ses idées pour être ré-inclus dans un système où fonctionne à merveille l'entre-soi, pour être admis dans ce cercle où il faut cocher les bonnes cases et se montrer moral et bienveillant. Pourquoi voudrait-il être inclus dans cette société all inclusive qui prend plaisir à se déliter peu à peu? Il parle de la cancel culture, des woke, de cette entreprise de reniement du passé, de la culpabilité postcoloniale, de ce nouveau racisme né après l'abolition des races et de la déconstruction qui ne laisse place à aucune construction.

En citant Virginia Woolf en 1915, Richard Millet fait face aux mêmes visages fermés, le masque n'empêchant pas de montrer l'hostilité ou le vide des regards :

"Je commence à abhorrer mon espèce, surtout après avoir considéré les visages dans le métro. Vraiment, je trouve plus agréable de regarder un boeuf cru ou des harengs saurs."


Sur une page et demie, il énumère les différents types de personnes qu'il voit dans ce RER, et cette liste à la Perec, cette accumulation de noms qui n'ont rien à voir les uns avec les autres donne vraiment l'impression que le "vivre ensemble" est un pari totalement impossible, que personne n'en a envie, mais que revendiquer cette devise est devenu l'essentiel. Vivre ensemble, impuissance de la parole qui se veut performative.
À plusieurs reprises, il évoque la pandémie pour montrer aussi combien les gens vivaient déjà confinés "idéologiquement", sans le savoir. Société du prêt-à-penser, du prêt-à-lire, société où émettre une pensée qui ne correspond pas à la doxa officielle vous place au rang des bannis...
Dans Éloge du coronavirus, il écrit :

"La perturbation comme antivirus, dans un système inclusif où le moindre propos peut devenir "viral" sur les réseaux sociaux. (...) On espère donc beaucoup du coronavirus, plus efficace que le terrorisme, le gauchisme culturel et le roman international dans la maladie spirituelle de l'homme."


Et :

"Si l'on peut regretter que le coronavirus ne tue pas assez de monde, c'est surtout parce qu'il laisse trop d'imbéciles sur terre."


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