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Quelques impressions/questions à la lecture de l’ouvrage de Marien Defalvard, Du temps qu’on existait (2011) Empty Quelques impressions/questions à la lecture de l’ouvrage de Marien Defalvard, Du temps qu’on existait (2011)

Ven 2 Juil - 16:36
Quelques impressions/questions à la lecture de l’ouvrage de Marien Defalvard, Du temps qu’on existait (2011) Du_tem11

Quelques impressions/questions à la lecture de l’ouvrage de Marien Defalvard, Du temps qu’on existait (2011)

Qui se souvient de ce premier roman, sujet, fin 2011, de nombreuses émissions littéraires à la radio et à la télévision ? Tel un météore, le jeune écrivain a disparu de la scène aussi vite qu’il y était apparu, semble-t-il. Dommage, car j’avais accumulé, à propos de cet ouvrage, une longue liste de remarques et de questions, que je n’ai jamais pu poser à l’auteur, et pour lesquelles je n’ai donc pas obtenu de réponses. Voici au moins cette liste, vieille de dix ans, qui se rapporte à l’édition Grasset.

Beaucoup de commentaires ont été faits sur le style et le vocabulaire souvent qualifié de « tarabiscoté » ; je ne m’y étendrai pas. Il y a déjà eu la Préciosité au XVIIe siècle, l’écriture artiste des Goncourt, et l’invention verbale de Boris Vian ; le livre s’inscrit un peu dans ces lignées, et je subodore aussi un soupçon d’exagération potache par endroits (voir « le poireau dans le cabas de la vie ») – mais ce n’est pas déplaisant. J’ai trouvé en particulier plutôt réussie l’expression « notre bon fé » (de Bolazec) appliquée à Paul Bonhomme.

Il me semble aussi que très peu d’attention a été portée à l’histoire narrée ; c‘est surtout à elle que je m’intéresse ici.

Sur la structure du roman
Je pense avoir compris qu’il y a trois « instances narratives » dans le texte :
- Dans le 1er chapitre (Coucy 2009): L’homme qui arrive à Coucy dans l’Aisne et se rend au café du village. On apprendra dans le dernier chapitre qu’il pilote une Chrysler noire (on l’appellera donc « C ») et qu’il est là pour assister à des funérailles ;
- Dans le 2e chapitre (Il y a la vie) : changement de ton. Une autre voix, la plus proche de l’auteur semble-t-il (on l’appellera donc « A ») avertit le lecteur qu’on va maintenant suivre la narration d’une existence. Il est précisé que ce n’est pas celle de C. A jouerait un peu le rôle du Chœur dans la tragédie antique ?
- Dans les autres chapitres (de Sacierges 1960 à Moi ou la fin de tout) donc sauf le dernier, l’histoire du personnage principal (qu’on appellera P) est présentée comme s’il s’agissait d’un journal intime écrit rétrospectivement par P. P est distinct de C et de A. La biographie de P (sa vie) s’étale entre 1960 et 2009.
- Dans le dernier chapitre (L’enterrement), on retrouve C à Coucy. Il vient d’assister aux funérailles de P et a rencontré certains de ses amis et aussi l’épouse de P, avec qui il a « remis les souvenirs au cordeau » ; on peut donc supposer que, sur la base de ces entretiens, c’est C qui a rédigé le journal intime de P, que l’on vient de lire, et éventuellement l’a remis à A qui l’a publié. (En revanche, on ne saura jamais quand P s’est marié ; est-ce à Coucy, dans les années 2000 ? et avec qui ?).

Est-ce bien l’intention de l’auteur ?
Ai-je bien compris que C est un ami de P, qu’il n’est ni François (vu par P pour la dernière fois en 2000), ni Paul Bonhomme (mort en 1998 donc bien avant 2009), mais qu’il est annoncé par P dans son « journal » (en 1990, à Gien : « … un ami qui eut une Chrysler… », sauf erreur p. 295) ?

Et si cette interprétation est exacte, cette introduction à la vie de P n’est-elle pas voisine du procédé de Marcel Proust, dans Jean Santeuil, ouvrage qui commence par le séjour d’un vacancier anonyme à Beg-Meil, lequel y rencontre l’écrivain C… qui décède brutalement, et dans les papiers de qui se trouve le récit de la vie de Jean Santeuil ?

Sur la diégèse
On peut noter que dans le récit de P, il ne se passe rien de particulier en 1968 ; ceci peut bien entendu s’expliquer par le fait que l’auteur n’était pas encore né à cette époque !
De plus, l’essentiel des péripéties que vit P sont celles d’un adolescent puis d’un étudiant ou apprenti auteur littéraire (soirées en « boîte », excursions dans les Monts d’Arrée, etc) ; pas question de métier ou de supérieurs hiérarchiques, d’impôts à payer ou de crédit à contracter pour alléger les fins de mois difficiles, questions plutôt propres aux adultes. Si donc on ne savait pas que l’auteur est encore très jeune, on pourrait le deviner rien qu’aux thèmes absents de son livre (attention : ceci n’est pas du tout un reproche).  

Sur la vie du père de P
Cet homme est né à St Tombeux près de Lyon, en 1924 ou 1925, et est romancier plutôt confidentiel. Il est décédé en 1985 à 61 ans.
Il a écrit un ouvrage intitulé Ma prétendue existence. Est-ce une allusion à la série TV américaine des années 1990 My so-called life ?

Sur d’autres possibles parentés du roman avec Jean Santeuil
Il me semble qu’il y en a plusieurs :
- Sacierges, qui ressemble, avec ses goûters, ses réunions familiales, à Eteuilles ou Illiers ;
- La tonalité générale des camaraderies masculines de P (noter aussi qu’à la fin du livre, reclus à Coucy, P confessera que vers 15 ans, donc peu après Argenton, il a commencé à regarder plutôt les garçons).
- La description de la fille blonde au T-shirt blanc, rencontrée dans un café à Argenton sur Creuse en 1974 ; elle évoque celles de « Françoise ».

Les possibles parentés avec la Recherche du Temps perdu (RTP)
Je peux citer :
- La servante Romancine, une sœur cadette de Françoise, dont elle a le franc-parler ? (mais certes, celle-ci ne quitte pas une famille ruinée) ;
- Le fait que P écrive beaucoup et se nourrisse un moment (à Paris, 1978) de biscottes (on sait que le pain grillé est l’ancêtre de la célèbre madeleine…) ;
- Le passage sur la mort de la mère de P, à 59 ans, à Tours sauf erreur, en 1991, écho de celui de la grand-mère du narrateur de la RTP ;
- Vers la fin du roman, à Villefranche près de Reims, a lieu en 2005 une réunion familiale où des personnages bien vieillis se reconnaissent à peine ; une sorte de « Bal de têtes » du Temps retrouvé ?
- L’humour parfois noir, qu’on trouve aussi dans la RTP : c’est (par exemple) dans un entrefilet de Courrier International que P apprend par hasard, en 1998, le décès de sa sœur Jeannelle (de deux ans son aînée), qui s’était installée en Grande-Bretagne et était devenue députée thatchérienne !
- Le « mariage fantôme » de P, qui rappellerait celui de Swann avec Odette, dont la RTP ne donne aucun détail.
- On meurt jeune dans ce roman ; or, le narrateur de la RTP arrivé à la quarantaine se considère comme susceptible de mourir d’un moment à l’autre, et craint de ne pas pouvoir achever son œuvre ;
- Dès le début (p. 20) se trouve cette mention « …la vie sur des échasses de solitude et de hauteur qu’on mène » ; et plus loin (p. 292), à propos de « la mémoire la plus authentique » de P, l’auteur indique qu’ « elle était vaste et ses pilotis, nombreux, portaient chacun une mémoire, et soulevaient un homme ». L’auteur retrouve-t-il ainsi l’image des échasses (sur lesquelles semblent montés les personnages qui ont traversé les années) qui est une des ultimes métaphores de la RTP, en sa dernière page ?  
- Et bien entendu le fait qu’aucun personnage (ou presque, cf. « Maman Grogne ») de la proche famille de P n’ait de patronyme. Mais des noms de familles autres sont indiqués : par exemple, les Lamielle, Saint-Henri, Gaux de Blanvilly, Léonard, connus en 1981 à Bouloire, qui font penser aux habitants de Combray nommément cités (Legrandin, Goupil, Pupier, Sazerat, etc).

Ces impressions correspondraient-elles à des intentions de l’auteur ?

Une référence littéraire ?
L’incipit « Ça commence à Coucy » fait-il référence à celui d’Emily L de Marguerite Duras : « Ça avait commencé par la peur. Nous étions allés à Quillebeuf… » ?

Une autre référence littéraire, ou… ?
J’ai aussi une question à propos du poète Basile Elmouth du Saon, dont, en 2002, P explore l’œuvre avec sa cousine Béatrice Martinage (qui habite rue de Bel-Air à Orléans ; elle est née le 27 juin 1966) : est-ce un auteur réel ? ou l’occasion d’un canular du genre « private joke » (j’ai repéré sur INTERNET un Elmouth le mammouth, air joué par le Quartet de Lyon dans les années 1970…) ?  

D’autres questions de simple curiosité
Je serais prêt à parier que l’auteur n’est pas d’une famille de dix frères et sœurs ; est-ce exact ?
A-t-il lui aussi vécu près de la mairie du XXe arrondissement à Paris (son personnage P y a habité, sauf erreur) ?
Est-ce que l’auteur apprécierait le restaurant-bar « La Marine », juste à côté de l’écluse de la Patache à Combleux, près d’Orléans (citée dans le livre) ?
Alain Merlot
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