Relire Pierre Benoit
Ven 23 Avr - 20:11
Relire Pierre Benoit, par Stéphane Maltère
Pierre Benoit fait partie de ces écrivains de l’entre-deux-guerres qui, à l’instar de Georges Duhamel, Claude Farrère, Roger Martin du Gard ou les frères Tharaud, après avoir connu un large succès de leur vivant, sont peu à peu tombés dans l’oubli. Négligé par l’université, classé à la hâte dans la catégorie des auteurs démodés, Pierre Benoit semble, comme d’autres, appartenir à un second cercle de romanciers français du XXe siècle, le premier ayant depuis longtemps certifié les règnes sans partage de Gide, Claudel, Mauriac, Céline, Giono et Bernanos.
Avoir vendu des millions de livres pendant plus de quarante ans ne garantit pas l’accès à la postérité. Ce pourrait même être exactement le contraire. Comment croire qu’une œuvre, qui a su séduire un aussi vaste public, qui a donné autant de films, qui a contribué au plaisir de tant de jeunes gens se ruant sur les éditions de poche, puisse mériter, des années après la mort de son populaire auteur, la considération d’un lectorat qui a appris à lire sous les fourches caudines de nouvelles écoles littéraires ? Pierre Benoit, roi de l’édition naguère, est toujours en exil, mais cet éloignement ressemble de plus en plus à la douce retraite d’Ovide à Tomis.
À bien y regarder, Pierre Benoit est, depuis sa mort survenue en 1962, l’objet inattendu de nombreuses recherches qui, en dehors de la vingtaine de mémoires et thèses universitaires soutenus en France et en Europe, se retrouvent parmi les 350 articles publiés par l’Association des Amis de Pierre Benoit, créée en 1985 et dynamisée depuis bientôt vingt ans par une enthousiaste équipe d’infatigables zélotes. Peu d’écrivains peuvent prétendre à une telle émulation. Trois colloques donnés à Lyon, Mascalt et Paris, entre 1987 et 2012 ont permis de mettre sous les lumières de l’université la figure et l’œuvre de Pierre Benoit. Des ouvrages de référence ont été publiés : en 1986, la biographie de Jacques-Henry Bornecque, Pierre Benoit le magicien, a révélé de nombreux aspects alors inconnus de sa vie et de ses romans, tandis que l’essai de Johan Daisne, paru vingt-deux ans plus tôt, faisait de l’œuvre de Pierre Benoit le modèle parfait du « roman romanesque ».
En 2012, à l’occasion du cinquantenaire de la disparition de l’auteur, Albin Michel, son éditeur historique, a organisé en grandes pompes les festivités, multipliant les rééditions et installant une exposition Pierre Benoit au Salon du Livre de Paris. Cette année-là, Gérard de Cortanze a publié une somme biographique, Le Romancier paradoxal, dont la presse a largement parlé, comme si, après cinquante ans, tout le monde était heureux de retrouver un oncle d’Amérique.
Relire Pierre Benoit aujourd’hui, c’est, pour certains, replonger dans le paradis perdu de l’adolescence, retrouver l’odeur de la bibliothèque familiale, passer la main sur les mythiques couvertures jaunes des romans. Il y a une nostalgie à la redécouverte de Pierre Benoit. Mais il faut aussi le lire pour la beauté de son œuvre elle-même, pour se rembarquer dans des récits passionnants, maîtrisés, racontant au lecteur d’aujourd’hui un monde qui n’est plus, marqué par les guerres, l’exploration encore possible et la colonisation.
Relire Pierre Benoit, c’est vouloir retrouver le moraliste, le poète, le conteur, l’érudit, l’homme à la mémoire prodigieuse qui plaça la femme au cœur de son œuvre, qui dissimula, sous des airs de facilité et de désinvolture, une mécanique rigoureuse et un travail d’orfèvre.
Relire Pierre Benoit, c’est savourer les retrouvailles avec Antinéa, Apsara, Antiope, Anne, Alberte, Axelle, s’asseoir à la table du Déjeuner de Sousceyrac, sonder la noirceur de l’âme humaine dans la mélancolie des Landes, s’éblouir à l’éclatant soleil oriental de La Châtelaine du Liban et de Notre-Dame de Tortose ou se laisser aller aux charmes irrésistibles de L’Atlantide…
Pierre Benoit fait partie de ces écrivains de l’entre-deux-guerres qui, à l’instar de Georges Duhamel, Claude Farrère, Roger Martin du Gard ou les frères Tharaud, après avoir connu un large succès de leur vivant, sont peu à peu tombés dans l’oubli. Négligé par l’université, classé à la hâte dans la catégorie des auteurs démodés, Pierre Benoit semble, comme d’autres, appartenir à un second cercle de romanciers français du XXe siècle, le premier ayant depuis longtemps certifié les règnes sans partage de Gide, Claudel, Mauriac, Céline, Giono et Bernanos.
Avoir vendu des millions de livres pendant plus de quarante ans ne garantit pas l’accès à la postérité. Ce pourrait même être exactement le contraire. Comment croire qu’une œuvre, qui a su séduire un aussi vaste public, qui a donné autant de films, qui a contribué au plaisir de tant de jeunes gens se ruant sur les éditions de poche, puisse mériter, des années après la mort de son populaire auteur, la considération d’un lectorat qui a appris à lire sous les fourches caudines de nouvelles écoles littéraires ? Pierre Benoit, roi de l’édition naguère, est toujours en exil, mais cet éloignement ressemble de plus en plus à la douce retraite d’Ovide à Tomis.
À bien y regarder, Pierre Benoit est, depuis sa mort survenue en 1962, l’objet inattendu de nombreuses recherches qui, en dehors de la vingtaine de mémoires et thèses universitaires soutenus en France et en Europe, se retrouvent parmi les 350 articles publiés par l’Association des Amis de Pierre Benoit, créée en 1985 et dynamisée depuis bientôt vingt ans par une enthousiaste équipe d’infatigables zélotes. Peu d’écrivains peuvent prétendre à une telle émulation. Trois colloques donnés à Lyon, Mascalt et Paris, entre 1987 et 2012 ont permis de mettre sous les lumières de l’université la figure et l’œuvre de Pierre Benoit. Des ouvrages de référence ont été publiés : en 1986, la biographie de Jacques-Henry Bornecque, Pierre Benoit le magicien, a révélé de nombreux aspects alors inconnus de sa vie et de ses romans, tandis que l’essai de Johan Daisne, paru vingt-deux ans plus tôt, faisait de l’œuvre de Pierre Benoit le modèle parfait du « roman romanesque ».
En 2012, à l’occasion du cinquantenaire de la disparition de l’auteur, Albin Michel, son éditeur historique, a organisé en grandes pompes les festivités, multipliant les rééditions et installant une exposition Pierre Benoit au Salon du Livre de Paris. Cette année-là, Gérard de Cortanze a publié une somme biographique, Le Romancier paradoxal, dont la presse a largement parlé, comme si, après cinquante ans, tout le monde était heureux de retrouver un oncle d’Amérique.
Relire Pierre Benoit aujourd’hui, c’est, pour certains, replonger dans le paradis perdu de l’adolescence, retrouver l’odeur de la bibliothèque familiale, passer la main sur les mythiques couvertures jaunes des romans. Il y a une nostalgie à la redécouverte de Pierre Benoit. Mais il faut aussi le lire pour la beauté de son œuvre elle-même, pour se rembarquer dans des récits passionnants, maîtrisés, racontant au lecteur d’aujourd’hui un monde qui n’est plus, marqué par les guerres, l’exploration encore possible et la colonisation.
Relire Pierre Benoit, c’est vouloir retrouver le moraliste, le poète, le conteur, l’érudit, l’homme à la mémoire prodigieuse qui plaça la femme au cœur de son œuvre, qui dissimula, sous des airs de facilité et de désinvolture, une mécanique rigoureuse et un travail d’orfèvre.
Relire Pierre Benoit, c’est savourer les retrouvailles avec Antinéa, Apsara, Antiope, Anne, Alberte, Axelle, s’asseoir à la table du Déjeuner de Sousceyrac, sonder la noirceur de l’âme humaine dans la mélancolie des Landes, s’éblouir à l’éclatant soleil oriental de La Châtelaine du Liban et de Notre-Dame de Tortose ou se laisser aller aux charmes irrésistibles de L’Atlantide…
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