Amélie Nothomb, Le Livre des sœurs (2022)
Mer 17 Aoû - 7:24
Amélie se lit comme un conte, et Le Livre des sœurs en est un. Nora et Florent s’aiment, se suffisent à eux-mêmes. On n’a jamais vu un amour durer aussi longtemps. Naît alors leur premier enfant, Tristane, petite fille aux airs d’Amélie-san par son intelligence et sa riche vie intérieure. Les mots sont sa passion ; elle les prononce et les savoure. Avant d’entrer en maternelle, elle sait lire et écrire, mais a compris qu’il faut savoir taire toutes ces choses pour ne pas offenser ou effrayer les autres…
Comme dans un mythe, deux malédictions pèsent sur elle. D’abord, l’ordre donné par son père, celui de ne plus pleurer, qui la met à distance et la contraint à contrôler ses actes, puis cette phrase terrible qu’elle surprend dans la bouche de sa mère : « C’est une petite fille terne. » Quelle différence entre le bouillonnement intérieur et l’image qu’elle renvoie… Il lui faudra du temps pour savoir que « les mots n’ont que le pouvoir qu’on leur donne. »
Le jour où sa petite sœur naît, son bonheur est indescriptible. La joie, c’est Laetitia, la nouveau-née, le contraire onomastique qui la comble de sa présence. Les deux enfants deviennent inséparables. Tristane protège sa sœur comme son propre bébé. Sa venue au monde est une révélation : « Deux âmes se découvrirent et résonnèrent l’une en l’autre. Deux planètes s’alignèrent de manière si exacte que s’éleva une musique qui ne devait jamais s’assourdir. » L’univers se résume désormais à elles deux. L’admiration de Tristane pour Laetitia n’a pas de bornes : elle s’extasie de son sommeil, guette ses moindres faits et gestes ; et la cadette éprouve à son égard le même attachement. Quand on s’aime aussi fort, il faut se marier ! C’est ainsi que Tristane et Laetitia s’épousent.
Dans Premier Sang (2021), Amélie Nothomb rendait hommage à son père en racontant son enfance, l’un de ses sujets de prédilection depuis Le Sabotage amoureux. Juliette, son aînée de quatre ans et demi dans la vie, est déjà présente dans son œuvre (Biographie de la Faim, Métaphysique des Tubes…), mais jamais elle ne lui avait consacré un roman. Le Livre des Sœurs sonne comme Le Livre de ma mère d’Albert Cohen. C’est une déclaration d’amour, un hymne à la sororité, cet « amour au sens absolu, (un) amour hors catégorie. » Dans les contes, les sœurs sont souvent des rivales. Ici, l’amour est dénué de toute jalousie. Être sœurs, c’est être soi mais ne faire qu’une avec l’autre. Autour de tante Bobette, le cas social de la famille, de sa cousine Cosette qui sait trouver sa place dans le duo des sœurs, de ses parents, de ses copains d’école, Tristane grandit, découvre la littérature, partage le goût du rock et des lettres avec Laetitia ; et le lecteur, touché, sourit aussi — qui tue un personnage en l’écrasant sous un frigo ? — dans cette fête où le « pneu » s’affiche au grand jour !
L’autobiographie se transpose, on perçoit des choses vécues, mais elles se confondent avec le conte et l’invention. Tel Janus, Amélie se scinde pour créer ce couple de sœurs : elle est Tristane et Laetitia, elle est l’aînée et la cadette… elle est Amélie-et-Juliette.
Comme dans un mythe, deux malédictions pèsent sur elle. D’abord, l’ordre donné par son père, celui de ne plus pleurer, qui la met à distance et la contraint à contrôler ses actes, puis cette phrase terrible qu’elle surprend dans la bouche de sa mère : « C’est une petite fille terne. » Quelle différence entre le bouillonnement intérieur et l’image qu’elle renvoie… Il lui faudra du temps pour savoir que « les mots n’ont que le pouvoir qu’on leur donne. »
Le jour où sa petite sœur naît, son bonheur est indescriptible. La joie, c’est Laetitia, la nouveau-née, le contraire onomastique qui la comble de sa présence. Les deux enfants deviennent inséparables. Tristane protège sa sœur comme son propre bébé. Sa venue au monde est une révélation : « Deux âmes se découvrirent et résonnèrent l’une en l’autre. Deux planètes s’alignèrent de manière si exacte que s’éleva une musique qui ne devait jamais s’assourdir. » L’univers se résume désormais à elles deux. L’admiration de Tristane pour Laetitia n’a pas de bornes : elle s’extasie de son sommeil, guette ses moindres faits et gestes ; et la cadette éprouve à son égard le même attachement. Quand on s’aime aussi fort, il faut se marier ! C’est ainsi que Tristane et Laetitia s’épousent.
Dans Premier Sang (2021), Amélie Nothomb rendait hommage à son père en racontant son enfance, l’un de ses sujets de prédilection depuis Le Sabotage amoureux. Juliette, son aînée de quatre ans et demi dans la vie, est déjà présente dans son œuvre (Biographie de la Faim, Métaphysique des Tubes…), mais jamais elle ne lui avait consacré un roman. Le Livre des Sœurs sonne comme Le Livre de ma mère d’Albert Cohen. C’est une déclaration d’amour, un hymne à la sororité, cet « amour au sens absolu, (un) amour hors catégorie. » Dans les contes, les sœurs sont souvent des rivales. Ici, l’amour est dénué de toute jalousie. Être sœurs, c’est être soi mais ne faire qu’une avec l’autre. Autour de tante Bobette, le cas social de la famille, de sa cousine Cosette qui sait trouver sa place dans le duo des sœurs, de ses parents, de ses copains d’école, Tristane grandit, découvre la littérature, partage le goût du rock et des lettres avec Laetitia ; et le lecteur, touché, sourit aussi — qui tue un personnage en l’écrasant sous un frigo ? — dans cette fête où le « pneu » s’affiche au grand jour !
L’autobiographie se transpose, on perçoit des choses vécues, mais elles se confondent avec le conte et l’invention. Tel Janus, Amélie se scinde pour créer ce couple de sœurs : elle est Tristane et Laetitia, elle est l’aînée et la cadette… elle est Amélie-et-Juliette.
CM
Voir aussi : https://lemanoirdeslettres.forumactif.com/t186-amelie-nothomb-premier-sang-le-livre-de-son-pere-2021
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