Le vendeur d'huile qui conquiert Reine de Beauté
Sam 18 Déc - 9:13
Petit récit chinois datant du XVIIème siècle, Le vendeur d'huile qui conquiert Reine de Beauté, commence comme un hymne à la délicatesse :
"Il n'est pas de fille dont l'attrait ne puisse être décuplé par les attentions d'un amoureux. Et laquelle d'entre elles résisterait aux paroles insinuantes d'un homme qui, jetant un voile sur ses imperfections, est pour elle aux petits soins, devance ses désirs, lui épargne tout désagrément et gagne son cœur par le cœur. C'est ce que nous appelons la prévenance. Dans l'arène des passions, l'amant attentionné sera récompensé, car sa gentillesse lui tiendra lieu de beauté et de richesse."
Yaoqin est encore une enfant quand ses parents disparaissent lors d'une bousculade causée par l'invasion des Tartares. Elle tombe entre les mains d'un voisin qui, faisant semblant de lui venir en aide, la vend à la tenancière d'une maison close.
Cette femme élève Yaoqin, qui est belle et raffinée, comme sa fille. Le temps passe, Yaoqin, devenue Meiniang (la jolie demoiselle), refuse de se donner à des clients. Mais la mère Wang ruse et l'offre à un homme, profitant de l'ivresse dans laquelle on l'a plongée. Une fois ce premier pas franchi, Meiniang devient une courtisane réputée, dont tout le monde s'arrache les faveurs à prix d'or. Une nuit avec elle coûte très cher!
Le jeune marchand d'huile Zhu croise un jour la jeune femme et tombe immédiatement sous son charme :
"La vie humaine n'a qu'un temps, l'herbe ne dure qu'une saison. S'il m'était donné de tenir toute une nuit pareille beauté dans mes bras, la mort même me serait douce."
Mais se payer une nuit avec Meiniang n'est pas dans les moyens du vendeur d'huile. Il patiente donc jusqu'à pouvoir changer ses économies en lingots et aller voir la mère Wang. Elle accepte, même s'il est de basse condition, mais il faut encore au colporteur attendre un mois avant que la jeune courtisane soit enfin disponible et, le soir où elle l'est enfin, elle est ivre morte, entre dans la chambre et se couche.
Au lieu de lui en vouloir, Zhu veille sur son sommeil, se tient près d'elle et s'apprête à devancer tout malaise. Au moment où elle va vomir, il a la prévenance de lui offrir sa manche afin qu'elle ne souille pas le lit.
Au matin, Meiniang ne se souvient de rien. Quand elle se rend compte de la délicatesse de ce jeune homme qui n'a pas abusé d'elle et qui l'aime tellement qu'il a été capable de salir son vêtement pour lui éviter un désagrément, elle est profondément touchée, surtout quand elle lui demande s'il ne regrette pas l'argent dépensé pour rien :
"Vous êtes pour moi un être céleste, et je crains seulement de ne pas être digne de vous servir. Si ma présence ne vous a pas irritée, je n'en serai que trop heureux."
Zhu aime et ne force rien. Il sait la Reine des fleurs inaccessible et loin de sa condition... Faudra-t-il que le destin s'en mêle?
Ce texte fait partie d'un recueil de quarante contes datant de 1620-1627. Ces histoires ont, pour beaucoup d'entre elles, étaient dites par des conteurs publics des dynasties Song (960-1279) et Yuan (1279-1368). Il a eu un succès immédiat à l'époque de sa parution et a inspiré après d'autres artistes (théâtre, réécritures...)
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