"Pour pouvoir se donner, il faut encore s'appartenir."
Trouver refuge est une des jolies surprises de la rentrée... Christophe Ono-dit-Biot, vingt ans après la publication du roman Interdit à toute femme et à toute femelle, situe de nouveau l'action en Grèce, sur les hauteurs du mont Athos, dans ces terres où l'on n'autorise pas la présence des êtres du sexe féminin, par fidélité à la Vierge.
Sacha vit avec Mina et leur petite fille Irène. Lui est chroniqueur à la télévision, elle universitaire. Ils évoluent dans un monde qui est le nôtre, avec un léger décalage temporel, sous la présidence de Papa, un populiste qui a pris le pouvoir et se veut protecteur du peuple. Dystopie inattendue... Dans la famille de Papa, sans en avoir l'air et en prônant l'amour, on rejette les autres, on n'est pas pour l'avortement, on n'aime pas trop les homosexuels ou autres minorités. La masse est alimentée par des discours rassurants, mais qui renferment une inquiétante vision du monde. Et on déteste surtout que le chef, à l'ego surdimensionné, soit critiqué. Par malheur, Sacha, en direct à la télévision, fait un jour une allusion au passé de Papa : à partir de ce moment-là, il est menacé, condamné à fuir pour la sécurité des siens. Il songe donc à "trouver refuge" là où il est allé autrefois, en tant que célibataire, sur le mont Athos, avec sa femme et sa fille. Mais il faudra ruser, faire des faux-papiers avec l'aide de complices ; et pour que Mina et Irène puissent le suivre, on ne doit pas savoir qu'elles sont des femmes.
Le roman est haletant et doux à la fois. Sa lecture procure du bien-être, de l'apaisement malgré la rudesse de la situation et de cette société qui est en train de se radicaliser dans le rejet des différences (même si le discours officiel se veut bienveillant...). Le fil conducteur, c'est la fuite et aussi un mystère à dévoiler : Sacha a été jadis un intime de Papa (Alex, dans un autre vie). Il détient des secrets qui mettraient en danger le pouvoir. Dit comme cela, on croirait à un thriller ou roman d'action et, au contraire, le lecteur est transporté dans la beauté d'un hors-monde, le monde antique, un monde où le temps s'est arrêté... où la technologie n'a pas pénétré, le contraire du nôtre où tout va vite, est superficiel et sans profondeur.
Quel plaisir de parcourir des lignes qui sont truffées de références aux humanités... Christophe Ono-dit-Biot est un grand défenseur des langues anciennes. À travers son double littéraire, Sacha, quadragénaire séduisant et cultivé, on voit dans ce roman sa passion pour le grec, sans pour autant que le livre renvoie une impression de pédantisme. Le savoir est distillé élégamment. La langue est une douce étoffe. On devine que Papa est inspiré de certains hommes politiques de notre temps (un avatar d'Emmanuel Macron, sans aucun doute...). Papa est loin d'être stupide, mais ses reniements intimes sont là pour servir son pouvoir.
Le roman s'ouvre sur l'image très forte d'un poulpe maltraité par des enfants, et qui cherche à leur échapper... à rejoindre la mer. Cette métaphore se diffuse au fil de ce pavé qui se lit avec beaucoup de plaisir. Un feel good humaniste? Éloge de la beauté et de la lenteur... Ce livre est une pause, l'espoir en une ligne de fuite... un bain de soleil littéraire pour trouver refuge contre "la laideur du monde".
Gallimard, 2022
Sacha vit avec Mina et leur petite fille Irène. Lui est chroniqueur à la télévision, elle universitaire. Ils évoluent dans un monde qui est le nôtre, avec un léger décalage temporel, sous la présidence de Papa, un populiste qui a pris le pouvoir et se veut protecteur du peuple. Dystopie inattendue... Dans la famille de Papa, sans en avoir l'air et en prônant l'amour, on rejette les autres, on n'est pas pour l'avortement, on n'aime pas trop les homosexuels ou autres minorités. La masse est alimentée par des discours rassurants, mais qui renferment une inquiétante vision du monde. Et on déteste surtout que le chef, à l'ego surdimensionné, soit critiqué. Par malheur, Sacha, en direct à la télévision, fait un jour une allusion au passé de Papa : à partir de ce moment-là, il est menacé, condamné à fuir pour la sécurité des siens. Il songe donc à "trouver refuge" là où il est allé autrefois, en tant que célibataire, sur le mont Athos, avec sa femme et sa fille. Mais il faudra ruser, faire des faux-papiers avec l'aide de complices ; et pour que Mina et Irène puissent le suivre, on ne doit pas savoir qu'elles sont des femmes.
Le roman est haletant et doux à la fois. Sa lecture procure du bien-être, de l'apaisement malgré la rudesse de la situation et de cette société qui est en train de se radicaliser dans le rejet des différences (même si le discours officiel se veut bienveillant...). Le fil conducteur, c'est la fuite et aussi un mystère à dévoiler : Sacha a été jadis un intime de Papa (Alex, dans un autre vie). Il détient des secrets qui mettraient en danger le pouvoir. Dit comme cela, on croirait à un thriller ou roman d'action et, au contraire, le lecteur est transporté dans la beauté d'un hors-monde, le monde antique, un monde où le temps s'est arrêté... où la technologie n'a pas pénétré, le contraire du nôtre où tout va vite, est superficiel et sans profondeur.
Quel plaisir de parcourir des lignes qui sont truffées de références aux humanités... Christophe Ono-dit-Biot est un grand défenseur des langues anciennes. À travers son double littéraire, Sacha, quadragénaire séduisant et cultivé, on voit dans ce roman sa passion pour le grec, sans pour autant que le livre renvoie une impression de pédantisme. Le savoir est distillé élégamment. La langue est une douce étoffe. On devine que Papa est inspiré de certains hommes politiques de notre temps (un avatar d'Emmanuel Macron, sans aucun doute...). Papa est loin d'être stupide, mais ses reniements intimes sont là pour servir son pouvoir.
Le roman s'ouvre sur l'image très forte d'un poulpe maltraité par des enfants, et qui cherche à leur échapper... à rejoindre la mer. Cette métaphore se diffuse au fil de ce pavé qui se lit avec beaucoup de plaisir. Un feel good humaniste? Éloge de la beauté et de la lenteur... Ce livre est une pause, l'espoir en une ligne de fuite... un bain de soleil littéraire pour trouver refuge contre "la laideur du monde".
Gallimard, 2022
CM
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