Stéphanie Janicot, L'île du docteur Faust (2021)
Sam 30 Oct - 10:52
Stéphanie Janicot, L'Île du docteur Faust, Albin Michel, 2021
Huit femmes, guidées par un nouveau Charon, voguent sur une mer agitée en direction d'une île. Une cure de rajeunissement de six mois les y attend, dans une clinique isolée du monde, tenue par Johanna Faust et Margo, son assistante. Pour bénéficier de la jeunesse, promise pour vingt-quatre ans, il faut signer le pacte diabolique et livrer, au terme de l'expérience, son âme au diable. Qu'importe à ces femmes mûres : vingt quatre ans, c'est amplement suffisant pour rattraper une vie gâchée et jouir enfin. Sydney, la narratrice, est journaliste et romancière. Elle profite de son statut d'observatrice pour ne pas plier aux appels des démons. Elle brosse le portrait de chacune des patientes du docteur Faust, constituant ainsi la matière d'un nouveau livre, et part à la découverte de l'île, de son unique habitante, la vieille Zoyad, et de l'étrange personnel du lieu, les gémeaux Narcisse et Hébé, Démétra et Hermione, Bastian et Dorian. Mais saura-t-elle résister à l'appel de la jeunesse éternelle ?
Dans ce livre de femmes (pour femmes ?), Stéphanie Janicot traite la question de l'âge d'une manière originale. Qui est le docteur Faust dans notre société d'aujourd'hui ? Dans la quête d'une jeunesse éternelle, à laquelle Sydney, son double, résiste, sauvée par le monde qu'elle a construit en tant qu'écrivaine, les femmes de cette Ys nouvelle se laissent happer par leur souci de paraître, de retrouver leur visage et leur énergie d'antan. Mais à quoi bon redevenir jeune quand on a déjà construit sa vie, avec ses réussites et ses échecs, ses trahisons et ses abandons ? Seule la volupté semble motiver ces femmes qui, leur vie durant, ont sacrifié leur existence pour satisfaire leur mari, leur enfant, leur mère ou leur entreprise. Message émancipateur de ce roman qui se lit d'une traite : mesdames, vivez pour vous-mêmes, pas en femelles ! On regrette parfois des dialogues un peu faciles, qu'une écriture plus solide aurait pu rendre forts, ou des passages narratifs surannés et creux qui sonnent faux. Stéphanie Janicot a, et c'est louable, opté pour la fiction. Cette histoire aurait été illisible si elle n'avait été transposée sur cette île mystérieuse. Les lecteurs, dit Sydney écrivant en abyme sa propre histoire de l'île, "auront du vrai qui ressemblera à du faux". Et l'on suit avec plaisir ce huis clos hors du temps et du monde qui traite aussi bien du désir, de l'écriture, de l'âme que du destin collectif des femmes de plus de cinquante ans. (SM)
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