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Le Grand Meaulnes, présent « en filigrane » dans L’été finit sous les tilleuls ? Empty Le Grand Meaulnes, présent « en filigrane » dans L’été finit sous les tilleuls ?

Dim 6 Juin - 20:09
Le Grand Meaulnes, présent « en filigrane » dans L’été finit sous les tilleuls ? Innoce10

Prix Interallié 1966, L’été finit sous les tilleuls de Kléber Haedens (Note : Essayiste, critique littéraire et romancier, Kléber Haedens (1913-1976) est en particulier l’auteur de Paradoxe sur le roman (1941) et d’Adios (1974). Sa biographie complète a été publiée en 1997 par Etienne de Montéty sous le titre Salut à Kléber Haedens) appartient maintenant à cette catégorie de romans oubliés, au sujet desquels les critiques littéraires ont en leur temps accumulé les analyses superficielles, telle celle-ci, produite par André Ferré dans le n° 17 (1967) du Bulletin de la Société des Amis de Marcel Proust :
« Malgré les détails topographiques et linguistiques qui le situent dans les marges méridionales du massif de l’Ouest, aux confins du Poitou et des Charentes, ce récit est de pure fantaisie, et l’auteur ne croit pas plus qu’il n’essaie de faire croire au lecteur à la réalité de ses personnages… ».
On remarquera que l’auteur de ces lignes ne s’est probablement pas donné la peine de consulter une carte Michelin (ou équivalent) de la région, car autrement il n’aurait pas manqué de signaler le curieux travestissement du lieu principal de l’action, le bien réel Nieulle-sur-Seudre, en l’imaginaire Fontereau, et peut-être même aussi de s’interroger sur la raison de ce camouflage partiel. S’il était allé sur place (mais qui l’a fait ?), il aurait aussi noté (excepté le fictif Liteau) la fidélité au réel de la description des marais de la Seudre, de la Tour de Broue et de la place du Petit Village, qui comporte bien les édifices mentionnés, y compris la vaste demeure qui lui fait face et qui vraisemblablement est le modèle de la maison Vénerand.

L’été finit sous les tilleuls partage maintenant avec bien d’autres titres le relatif honneur de n’être plus mentionné que sur les pages Internet qui proposent des livres d’occasion, et les rares résumés qu’on en trouve ne rendent pas justice à la richesse de l’ouvrage. C’est au départ l’histoire d’un jeune instituteur de province, Jean Sartoux, mal marié à l’intrigante Florence Frazé, débauchée et frigide ; à Fontereau, son village des Charentes au bord des marais salants, il passe ses soirées à composer un livre sur les textes les plus fameux de l’école communale. Se sentant délaissée, l’épouse volage séduit un médiocre poète champêtre, Amaury Vénerand, qui pour elle représente le monde (littéraire) parisien auquel elle aspire ; plus tard, elle tombera dans les filets du représentant de commerce bellâtre Gaston Firbex. Tout ceci n’échappe pas au vieux pêcheur Joséphin, surnommé dans Fontereau « Putain de Moine » (d’après son juron favori), dont on ne saura jamais s’il a réellement ou non bourlingué dans sa jeunesse sur les mers du Sud. Avec l’arrivée de l’été, le récit se concentre sur la famille Aumagne qui vient villégiaturer à Fontereau, comme chaque année aux grandes vacances. Si le père, Robert dit « Bob », également mal marié et professeur d’anglais malgré lui, manque succomber aux charmes de Florence, c’est son fils Jacques, beau garçon de seize ans, qui (entre deux expéditions dans la campagne voisine) découvrira l’amour et la littérature avec Marine, la jeune sœur d’Amaury, laquelle d’habitude vit recluse avec sa mère Daisy dans la demeure familiale délabrée. La troisième et dernière partie du roman revient à Jean Sartoux, qui a achevé son livre ; celui-ci doit être publié à Paris chez l’éditeur Pierre Gauthier. Jean va passer avec Florence la fin d’août sur l’île d’Oléron aux sites enchanteurs, à l’invitation de son cousin Pierre Morgan, directeur de la collection « L’île au trésor » chez Gauthier. Le texte s’achève avec le retour à Fontereau de Jean et Florence, lorsque, sur la place du village, ils apprennent la mort de Marine Vénerand, et « restent un instant sous les tilleuls, debout dans leurs habits d’été ».  

Ce roman attachant fourmille de notations et de scènes pittoresques (la parodie d’analyse à la Lagarde & Michard d’un poème « de mirliton » composé par Amaury Vénerand, et lu solennellement par ce dernier à Florence, est réellement irrésistible !) et de références littéraires, presque exclusivement à d’autres romans, dont les titres et les héros sont cités (Note : Il faut aussi relever, vers la fin du texte, la mention rapide d’un colonel de Fermendidier, probable référence intentionnelle au Hussard bleu de Roger Nimier, 1950). Il en est un cependant qui échappe à cette identification, mais avec lequel les similarités sont tellement nombreuses qu’il est difficile d’imaginer un manque d’intention de la part de l’auteur. Il serait intéressant de savoir pourquoi Kléber Haedens n’a pas explicitement mentionné Le Grand Meaulnes d’Alain-Fournier dans son propre texte (ce sur quoi aucun critique ne semble d’ailleurs s’être interrogé…) ; à défaut, il est toujours possible d’établir une liste, probablement non-exhaustive, des points de ressemblance entre les deux ouvrages.  Chacun a bien entendu son caractère spécifique, et il n’est pas question ici de prétendre que l’un est un décalque de l’autre.  

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Sauf erreur, Kléber Haedens n’a rien écrit à propos de ses éventuelles sources d’inspiration pour L’été finit sous les tilleuls. De plus, les textes critiques, ou même les simples commentaires détaillés, manquent malheureusement et empêchent de mieux assurer la validité des impressions de lecture présentées ici. Mais volontaires ou non, de telles ressemblances ne laisseraient-elles pas supposer l’existence d’une sorte de filiation du Grand Meaulnes dans la littérature contemporaine ?  (Alain Merlot, juin 2021)  

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