Victoria Mas, Un miracle (2022)

Victoria Mas, Un miracle, Albin Michel, 2022, 219 pages, 19,90 euros
Après un premier roman, Le Bal des folles, où l’invisible était traité du point de vue de la psychiatrie, Victoria Mas, dans Un miracle, examine la question du côté de la foi. La scène d’ouverture, d’une grande beauté, relate l’apparition de la Vierge Marie à Catherine Labouré, une jeune religieuse conduite, comme dans un rêve, jusqu’à la chapelle des Filles de la Charité. L’éblouissement passé, l’histoire continue, non plus en 1830 mais de nos jours, non plus à Paris, mais en Bretagne, du côté de Roscoff. Sœur Anne arrive dans le Finistère, en remplacement d’une sœur défunte, décès sinon miraculeux, du moins inespéré pour celle à qui l’on a prédit, deux semaines plus tôt, que la Sainte Vierge lui apparaîtrait en Bretagne. Sur l’île de Batz, face à Roscoff, vit une famille catholique, les Bourdieu. Michel, le père, est bénévole pour la paroisse. Son fils de seize ans, Hugo, est aussi attiré par le ciel, mais pour observer la planète Mars qui le passionne. Une nuit qu’il a installé sa lunette astronomique, il est rejoint par Isaac, un adolescent éteint par la disparition de sa mère dans un accident de la route. Quelque temps plus tard, alors qu’il rentre chez lui sous la pluie, Isaac est soudainement attiré par un promontoire qui domine le rivage : « il s’arrêta à nouveau, les yeux écarquillés, impressionné tel un enfant, fixant ce qu’il distinguait toujours, qu’il n’avait jamais remarqué là, qu’il n’avait même jamais contemplé nulle part ». La nouvelle fait vite le tour de l’île : « un môme voit la Vierge », d’autant que la vision apparaît à plusieurs reprises à Isaac, sans qu’il l’identifie lui-même à la mère du Christ. La foule s’assemble, assiste, muette, au spectacle de cet enfant tétanisé par l’apparition. Elle veut croire que la Vierge leur fait l’honneur de sa visite. Quand la fille de Michel, Julia, est miraculeusement guérie de son asthme, la ferveur atteint son comble.
Ce roman est une nouvelle occasion, pour Victoria Mas, d’aborder, dans une langue toujours élégante et soignée, le thème de l’exclusion des voyants. À l’instar d’Eugénie qui, dans Le Bal des folles, est enfermée à la Salpêtrière parce qu’elle voit des morts, Isaac, d’abord adulé, est envié puis rejeté. Les réactions de sœur Anne et de Michel Bourdieu, pleines de dépit et de haine, interrogent la foi et le doute, et mènent à la glaçante tragédie finale. SM