Zoé Oldenbourg (1918 - 2002)

Zoé Oldenbourg, auteur française du XXème siècle, a écrit plusieurs romans, dont la pièce maîtresse est le foisonnant et passionnant Argile et cendres. Méconnue aujourd'hui, elle a été récompensée en son temps par le prix Femina pour La Pierre angulaire.
Spécialiste de l'histoire médiévale, elle s'en inspire pour ses romans qui se passent presque tous à cette époque.

Argile et cendres est une merveille ! En plus de mille pages, l'auteur nous entraîne dans la vie d'une famille au temps des Croisades, en France : Aalais est très jeune quand elle épouse Ansiau de Linnières. Comme toutes les autres femmes, elle est vouée au mariage. Ces deux enfants maladroits vont s'éprendre l'un de l'autre et traverser toutes les épreuves d'une vie. Le lecteur assiste à la naissance de leur progéniture (pas moins de vingt grossesses pour Aalais jusqu'à ses quarante ans) dont on suivra aussi l'histoire, puisque personne n'est délaissé et que tout est mené de main de maître dans cette narration fleuve, pas ennuyeuse une seule seconde.
Ansiau prend la croix et part délivrer Jérusalem de Saladin. C'est comme si on y était ! L'érudition de l'auteur est incroyable. Elle nous emmène avec elle dans les histoires de guerre, les troubles amoureux, nous faisant comprendre autant le vie des hommes que des femmes au Moyen âge. On aime la fidélité de l'épouse, qui chérit son Ansiau même si un jour, elle tombe très amoureuse d'un autre homme. Mais combien a-t-elle dû subir d'épreuves et de trahisons, de la part d'un époux qui l'aime pourtant passionnément tout en ayant une vision toute masculine de la fidélité ?

On vit, par exemple, la bataille d'Acre comme si on y était ; on voit le baron plus que trentenaire s'éprendre d'une petite de quinze ans, folle de lui aussi, et qu'il était chargé d'élever au château. Il y a les bâtards, la variole, les tournois, les peines pour s'en sortir financièrement et tenir un domaine, le temps qui passe, l'amour, les fils et filles auxquels on s'attache ou pas, les rustres aussi (Herbert, le deuxième fils, est exécrable, autant physiquement que moralement). On comprend la condition des femmes (surtout dans la noblesse même si les servantes et nourrices sont présentes dans ce tableau médiéval), qui sont à la charge des familles et qu'il faut toujours marier au plus vite, quand les fils seront des guerriers, des chevaliers, femmes soumises au désir implacable et à la vénalité des hommes.
Zoé Oldenbourg disait qu'elle était "féministe comme un homme est hoministe".
Les caractères sont d'une grande rigueur, et les portraits physiques ne sont pas en reste.

Le roman, en huit parties, a d'abord été publié en deux tomes, réunis par Folio pour la première fois.
Tout sonne très juste, et c'est avec regret qu'on referme le livre, habitués à partager la vie (pendant quarante ans) de cette famille.