Odi et amo (Catulle et Saïd)
Ven 5 Aoû - 9:29
Extrait du Dictionnaire amoureux de la Quarantaine.
Articles "Folie" , "Janitor' et "Triptyque".
Folie
du latin follis, is, « soufflet pour le feu », « outre gonflée », « ballon ».
Tout ce que j’ai entrepris, jusqu’à ce dictionnaire, range mes actes dans le camp de la folie. Je fournis moi-même les prétextes à votre fuite.
Est considéré fou ce qui sort de l’ordinaire : aller à votre rencontre, un soir ; vous attendre, vous parler sans réponse, vous aimer sans retour, espérer que vous reviendrez, écrire, chercher à vous atteindre.
N’est pas considéré comme fou : une décision brutale, l’assassin sans permis ; se rendre à la raison, tirer un trait sur l’insolite, sur les exaltations et les plaisirs nouveaux, sur les pensées, le charme qui s’anime, les rêves, les impulsions ; rendre grâce au quotidien, à la forme trop nette, à un cœur contingent.
« En ce se montre la grandeur d’Amour, quand on aime celui [celle] dont on est mal traité. »
Dans le Débat de Folie et d’Amour, Amour et Folie se disputent. Le premier reproche au second de l’avoir aveuglé et va se plaindre aux dieux. Louise Labé a éprouvé une passion. À l’égal de Catulle et de Sapphô, elle dit, dans ce poème, ce que lui procure celui qu’elle aime :
Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie ;
J’ai chaud extrême en endurant froidure :
La vie m’est et trop molle et trop dure.
J’ai grands ennuis entremêlés de joie.
Tout à un coup je ris et je larmoie,
Et en plaisir maint grief tourment j’endure ;
Mon bien s’en va, et à jamais il dure ;
Tout en un coup je sèche et je verdoie.
Ainsi Amour inconstamment me mène ;
Et, quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me trouve hors de peine.
Puis, quand je crois ma joie être certaine,
Et être au haut de mon désiré heur,
Il me remet en mon premier malheur.
Pourquoi ne laisser que la peine ? Je dompterai mes sentiments. Redonnez-moi votre présence.
Ces sentiments contradictoires, Catulle les a écrits dans un distique (Élégie 85). Il commence par les premières lettres de votre prénom :
« Odi et amo. Quare id faciam, fortasse requiris.
Nescio, sed fieri sentio et excrucior. »
« J’aime et je hais. Pourquoi, tu te le demandes peut-être.
Je l’ignore, mais je le sens en moi et je suis crucifié. »
À la différence, je ne hais pas. Ma crucifixion s’éternise, mais ma révolte prend la forme d’un dictionnaire. Même quand vous me refuserez un nouveau rendez-vous, que vous dédaignerez mes signes, murée dans un silence qui m’humilie, je ne vous haïrai pas. Je sens ce qui me traverse.
L’Odi et amo du triptyque trône au-dessus de mon lit. Odi est un bout de prénom, pas une haine. J’y vois une prédestination. Rien de vous ne m’est odieux.
Araminte. — Eh ! de quoi peut-il donc être question ? D'où vient que tu m'alarmes ? En vérité, j'en suis toute émue.
Dubois. — Son défaut, c'est là. (Il se touche le front.) C'est à la tête que le mal le tient.
Araminte. — À la tête ?
Dubois. — Oui, il est timbré, mais timbré comme cent.
Araminte. — Dorante ! il m'a paru de très bon sens. Quelle preuve as-tu de sa folie ?
Dubois. — Quelle preuve ? Il y a six mois qu'il est tombé fou ; il y a six mois qu'il extravague d'amour, qu'il en a la cervelle brûlée, qu'il en est comme un perdu je dois bien le savoir, car j'étais à lui, je le servais ; et c'est ce qui m'a obligé de le quitter, et c'est ce qui me force de m'en aller encore. Ôtez cela, c'est un homme incomparable.
Araminte, un peu boudant. — Oh bien ! il fera ce qu'il voudra ; mais je ne le garderai pas : on a bien affaire d'un esprit renversé ; et peut-être encore, je gage, pour quelque, objet qui n'en vaut pas la peine ; car les hommes ont des fantaisies...
Marivaux, Les Fausses confidences, I, 14
Triptyque
du grec treis, « trois », et ptukhê, « chose pliée ».
Le triptyque se referme sur les mots de Catulle : « J’aime et je hais. »
Il répand les humeurs oniriques, érotiques. Il protège, comme Bachur, la pulsion du désir. J’y lis le début de votre prénom. Comme Bachur, il faudrait que vous le voyiez.
Superstition ! Il est resté ouvert de décembre à mars. Mais depuis, il est clos. Je le rouvrirai quand vous serez là de nouveau. Quand vous serez ici.
Le triptyque a été peint par HMSaiddu latin follis, is, « soufflet pour le feu », « outre gonflée », « ballon ».
Tout ce que j’ai entrepris, jusqu’à ce dictionnaire, range mes actes dans le camp de la folie. Je fournis moi-même les prétextes à votre fuite.
Est considéré fou ce qui sort de l’ordinaire : aller à votre rencontre, un soir ; vous attendre, vous parler sans réponse, vous aimer sans retour, espérer que vous reviendrez, écrire, chercher à vous atteindre.
N’est pas considéré comme fou : une décision brutale, l’assassin sans permis ; se rendre à la raison, tirer un trait sur l’insolite, sur les exaltations et les plaisirs nouveaux, sur les pensées, le charme qui s’anime, les rêves, les impulsions ; rendre grâce au quotidien, à la forme trop nette, à un cœur contingent.
« En ce se montre la grandeur d’Amour, quand on aime celui [celle] dont on est mal traité. »
Dans le Débat de Folie et d’Amour, Amour et Folie se disputent. Le premier reproche au second de l’avoir aveuglé et va se plaindre aux dieux. Louise Labé a éprouvé une passion. À l’égal de Catulle et de Sapphô, elle dit, dans ce poème, ce que lui procure celui qu’elle aime :
Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie ;
J’ai chaud extrême en endurant froidure :
La vie m’est et trop molle et trop dure.
J’ai grands ennuis entremêlés de joie.
Tout à un coup je ris et je larmoie,
Et en plaisir maint grief tourment j’endure ;
Mon bien s’en va, et à jamais il dure ;
Tout en un coup je sèche et je verdoie.
Ainsi Amour inconstamment me mène ;
Et, quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me trouve hors de peine.
Puis, quand je crois ma joie être certaine,
Et être au haut de mon désiré heur,
Il me remet en mon premier malheur.
Pourquoi ne laisser que la peine ? Je dompterai mes sentiments. Redonnez-moi votre présence.
Ces sentiments contradictoires, Catulle les a écrits dans un distique (Élégie 85). Il commence par les premières lettres de votre prénom :
« Odi et amo. Quare id faciam, fortasse requiris.
Nescio, sed fieri sentio et excrucior. »
« J’aime et je hais. Pourquoi, tu te le demandes peut-être.
Je l’ignore, mais je le sens en moi et je suis crucifié. »
À la différence, je ne hais pas. Ma crucifixion s’éternise, mais ma révolte prend la forme d’un dictionnaire. Même quand vous me refuserez un nouveau rendez-vous, que vous dédaignerez mes signes, murée dans un silence qui m’humilie, je ne vous haïrai pas. Je sens ce qui me traverse.
L’Odi et amo du triptyque trône au-dessus de mon lit. Odi est un bout de prénom, pas une haine. J’y vois une prédestination. Rien de vous ne m’est odieux.
Araminte. — Eh ! de quoi peut-il donc être question ? D'où vient que tu m'alarmes ? En vérité, j'en suis toute émue.
Dubois. — Son défaut, c'est là. (Il se touche le front.) C'est à la tête que le mal le tient.
Araminte. — À la tête ?
Dubois. — Oui, il est timbré, mais timbré comme cent.
Araminte. — Dorante ! il m'a paru de très bon sens. Quelle preuve as-tu de sa folie ?
Dubois. — Quelle preuve ? Il y a six mois qu'il est tombé fou ; il y a six mois qu'il extravague d'amour, qu'il en a la cervelle brûlée, qu'il en est comme un perdu je dois bien le savoir, car j'étais à lui, je le servais ; et c'est ce qui m'a obligé de le quitter, et c'est ce qui me force de m'en aller encore. Ôtez cela, c'est un homme incomparable.
Araminte, un peu boudant. — Oh bien ! il fera ce qu'il voudra ; mais je ne le garderai pas : on a bien affaire d'un esprit renversé ; et peut-être encore, je gage, pour quelque, objet qui n'en vaut pas la peine ; car les hommes ont des fantaisies...
Marivaux, Les Fausses confidences, I, 14
Triptyque
du grec treis, « trois », et ptukhê, « chose pliée ».
Le triptyque se referme sur les mots de Catulle : « J’aime et je hais. »
Il répand les humeurs oniriques, érotiques. Il protège, comme Bachur, la pulsion du désir. J’y lis le début de votre prénom. Comme Bachur, il faudrait que vous le voyiez.
Superstition ! Il est resté ouvert de décembre à mars. Mais depuis, il est clos. Je le rouvrirai quand vous serez là de nouveau. Quand vous serez ici.
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