Thomas Louis, Les Chiens de faïence (2021)
Jeu 14 Avr - 20:11
Thomas Louis, Les Chiens de faïence, La Martinière, 2021
Une époque indéterminée (probablement le début des années 2000), un village près de Lyon, mais suffisamment éloigné de la grande ville pour n'avoir aucune influence sur ses habitants, une famille banale d'une province ordinaire, sans envies, sans aspérités, d'un profond ennui: "Chez les Dugast, tout allait bien, tout le monde était conditionné à l'équilibre et à la discrétion". Christophe, le fils de la famille Dugast, vit dans cette tiédeur tranquille et sans relief. Il a dix-sept ans et apprend un soir le suicide de son grand-père, sans histoire comme eux tous. Peut-on dire que cet événement peu banal fait basculer son existence ? Non. Les pleurs dévots de sa mère passés, la vie de famille reprend, avec sa froideur et son absence de communication. Les Dugast vivent les uns avec les autres, les uns sur les autres, mais ne se comprennent pas. Très vite, d'autres suicides familiaux s'enchaînent. Thomas Louis les évoque avec simplicité, indifférence. Personne ne peut en comprendre les raisons, mais personne ne s'interroge vraiment. On croit à une malédiction, qui touche, les uns après les autres, et dans l'ordre du rang familial, les membres de cette tribu ordinaire. A l'inverse de la peste qui touche les animaux de la Fontaine sans les faire mourir, les Dugast "mouraient tous, et tous étaient frappés". Comment contrer l'irrémédiable? Christophe décide de partir à Paris pour vaincre le sort, qui est une métaphore du sabotage que s'infligent les membres des familles ordinaires, condamnés à ne pas vivre pleinement leur existence, ayant oublié qu'il fallait rêver pour aimer la vie. Christophe, qui s'invente des existences, et parle à la jument Wanda, trouve en toutes circonstances, les moyens de lutter contre la tragédie familiale.
Dans un style simple, Thomas Louis conduit le lecteur au cœur d'une énigme sans solution. Récit d'apprentissage quand, à Paris, le jeune Christophe se déniaise et construit peu à peu, son indépendance, Les Chiens de faïence est aussi un roman de l'ennui quotidien des familles engluées dans une existence subie, du désir d'émancipation d'un jeune homme qui se prépare à la vie d'adulte, pour laquelle il faut bien marcher sur les cadavres familiaux pour se hisser. SM
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum