Le Manoir des lettres
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Barbara Israël, Saint Salopard  (2017) Empty Barbara Israël, Saint Salopard (2017)

Sam 5 Juin - 11:15
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Barbara Israël dresse le portrait de Maurice Sachs, personnage dont la mauvaise réputation entache le souvenir. Pour raconter qui il a été, elle utilise la forme épistolaire : Maurice Sachs, né Ettinghauser et très tôt abandonné par son père, converse, de l'au-delà, avec les hommes et les femmes qui ont marqué son existence. D'abord, sa mère, qui ne l'a jamais aimé et s'est intéressée à lui à partir du moment où elle a pensé tirer quelque argent de ses romans, après sa disparition en 1944 lors d'une marche de la mort.

Deux traits de sa personnalité ressortent de ces lettres (qu'il adresse à des écrivains, dont le point commun est d'être homosexuels, honteux ou assumés : Cocteau, Gide, Jouhandeau, Jacob, Green...) : sa judéité qu'il n'hésite pas à renier en se faisant séminariste pour plaire à ses amis catholiques, et son homosexualité qu'il vit pleinement.
À travers ces missives, Barbara Israël parvient à ne pas faire un portrait à charge de Sachs, qui pourtant n'hésitait pas à voler ou escroquer ses amis, mentait allègrement pour se sortir de mauvaises passes. On sent que personne autour de lui n'était vraiment dupe.

Parmi les lettres les plus marquantes, il y a celle de Marcel Jouhandeau, auteur du Péril juif, qui crache ouvertement son antisémitisme à la face de Sachs ; celle de Violette Leduc, qui s'éprenait systématiquement d'homosexuels (Genet, Jacques Guérin, Sachs lui-même), peut-être pour, comme Barbara Israël l'écrit sous la plume inventée de Sachs, être "certaine qu'ils (la) feraient souffrir". (p.125) Rappelons au passage que Violette Leduc s'est mise à écrire sous l'influence de cet homme qui en avait assez de l'écouter se plaindre de son enfance et de ses malheurs.
L'auteur fait parler Cocteau, Gide, Julien Green... Certains gardent une tendresse pour Sachs malgré tout ; d'autres, comme Coco Chanel, lui disent ouvertement le mépris ou la haine qu'ils lui portent.

Maurice Sachs est mort d'une balle dans la nuque tirée par un SS en 1944, sur le bord d'une route. Or la dernière lettre écrite par Julien Green émet l'hypothèse que cette mort serait aussi une escroquerie de la part de Sachs, pour qui il aurait été favorable de faire croire à cet assassinat vu le passé sinistre qu'il traînait (collaboration avec la Gestapo, marché noir et autres méfaits...). A-t-il vraiment profité de cette occasion pour disparaître et refaire sa vie loin de tous, en Autriche? Le doute plane...

L'habileté de ce roman épistolaire est de faire le portrait d'un homme rempli de contradictions (comme le met en valeur le titre oxymore du livre), blessé par une enfance mal-aimée et qui, en trahissant les autres, se sabotait systématiquement lui-même. Rien n'était jamais net avec lui... Le collaborateur n'a-t-il pas lui-même fini dans un camp de concentration...? Se rêvant écrivain et signant assez tôt chez Gallimard, il ne rencontra jamais vraiment le succès et resta dans l'ombre. Ce portrait à multiples voix d'outre-tombe met en lumière un homme qui a cherché à briller par la réputation des autres sans réussir vraiment à se faire sa place dans le monde des lettres.
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